
Charles Darwin, à la fin de sa vie

Portrait de F. G. von Bellinghausen
Pour faire entrer les Tuamotu dans l’Histoire occidentale, il faut parler de banquise, de glaces, d’icebergs et d'Antarctique : en effet c’est un navigateur russe chargé d’explorer l’extrême sud de la planète, Fabian Gottlieb von Bellinghausen, qui, en 1820, découvrit un chapelet d' atolls, alors qu’il arrivait de Port Jackson, ancien nom de la capitale actuelle de l' Australie, Sydney, après sa campagne australe. Avant Bellinghausen, James Cook avait le premier franchi le cercle polaire antarctique, une véritable épopée à l' époque, très périlleuse et qui fit de lui sans doute le premier homme à avoir aperçu le continent austral. En remontant d' Antarctique, Bellinghausen décida d’hiverner au chaud en explorant avec ses deux navires, le Vostok (“l'Orient”, 600 tonneaux) et le Mirnyi (“le Pacifique”, 530 tonneaux), les îles de la Grande Mer du Sud.
Ce voyage d’exploration était tout à fait exceptionnel à l' époque, mais il manqua de temps pour s’arrêter partout où affleurait un peu de corail. Cependant, le 17 juillet 1820, l’atoll de Fakarava, dont il longeait le récif était si vaste et fit tant d'impression sur lui, qu’il méritait bien un nom de baptême illustre, celui de Wittgenstein, en hommage au comte Louis Adolphe Pierre de Sayn-Wittgenstein-Ludwigsburg, général en chef de l' armée impériale russe et héros des guerres napoléoniennes. 18 ans plus tard, Darwin qui faisait partie d'une équipe scientifique venue, elle aussi explorer les Mers du Sud, déduisit, de l' observation des mêmes atolls, une théorie aujourd’hui encore largement acceptée par les milieux scientifiques sérieux selon laquelle les atolls sont nés d’un récif frangeant installé sur la périphérie de volcans éteints.
Explication : les volcans érodés et s’enfonçant lentement sous leur propre poids dans la plaque tectonique qui les supporte, le récif frangeant se retrouve séparé du socle basaltique. Lorsque celui-ci a complètement disparu, ne reste plus que l’anneau de corail qui l’entourait et qui se maintient à fleur d’eau puisque pour croître, les coraux ont besoin de la lumière du soleil afin de maintenir en vie les algues microscopiques qui les nourrissent. Darwin émit sa théorie avec succès en 1842, après son retour en Angleterre.
L’année 1842 marque localement l’instauration du protectorat français sur le centre et l’ouest des Tuamotu qui ne prirent cette appellation “d’îles nombreuses” qu’en 1852, remplaçant ainsi l’appellation îles Paumotu ou îles Basses.
Retour sur l' activité trépidante de Bellinghausen qui, en l' espace de 3 semaines, découvrit et nomma tout un groupe d' îles sans pour autant avoir le loisir d' y débarquer ( un bon nombre d' entre elles ) et de les étudier plus avant.
* Amanu, le 8 juillet 1820, baptisée Moller ( initialement découverte en octobre 1774 par le navigateur espagnol Andia y Varela qui baptisa l' atoll San Narciso.
* Fangatau, le 10 juillet 1820, baptisée Arakcheev
* Raoria, le 12 juillet 1820, baptisé Barclay de Tolly
* Takume, le 12 juillet 1820 également, baptisé Volkonsky
* Nihiru, le 13 juillet 1820, baptisé Nihera
* Taenga, le 14 juillet 1820, baptisée Yermolov ( mais précédemment découverte par le navigateur américain Buyers et baptisée Holts Island
* Katiu, le 15 juillet 1820, baptisée Osten-Sacken
* Hiti, le 15 juillet 1820 aussi, baptisée Raevski
* Tepoto Sud, le 15 juillet 1820 toujours, baptisée Raevski
* Tuanake, le 15 juillet 1820, baptisée Raevski
* Makemo, le 15 juillet 1820, baptisée Kutusov-Smolenski ( précédemment découverte par Turnbull qui baptisa l'île Margaret Island )
* Faite, le 16 juillet 1820, baptisée Milordovitch
* Tahaena, le 16 juillet 1820, baptisée Chichagov, mais précédemment découverte par l' Espagnol Boenechea qui la baptisa San Blas
* Fakarava, le 17 juillet 1820, baptisée Wittgenstein
* Toau, le 17 juillet 1820, baptisée Elisabeth mais précédemment découvert par James Cook qui l' appela Palliser Islands
* Niau, le 18 juillet 1820, baptisée Greigh mais initialement découverte par l' Espagnol Quiros en février 1605 et baptisée alors La Decena
* Kaukura, le 19 juillet 1820, baptisée Palliser Islands; mais initialement découverte à deux reprises par Cook, par J. Cook en 1774 et par le navigateur hollandais Roggeveen en mai 1722, baptisée alors Het Doolhof
* Mataiva, le 30 juillet 1820, et baptisée Lazareff
Voilà pour la géologie et l' histoire européenne des Tuamotu nord. Naturellement l' atoll emblématique qui attire l' attention dans ces confettis d'îles, c'est Fakarava.
Je vais donc y revenir...
Fakarava ou le paradis des ' thurstonii '
Gilles Tropee est le spécialiste de ces palmiers originaires des îles Fidji où ils sont en voie de disparition. il en a planté des centaines à Fakarava.
La première plante que voit le visiteur débarquant à l' aérodrome de Fakarava est un magnifique palmier, Pritchardia thurstonii, originaire des îles Fidji. dans son milieu naturel, cette plante est considérée comme en vol d'extinction, car victime de bactéries, les phytoplasmes qui la font dépérir et mourir à petit feu.
Ce palmier prospère dans des substrats coralliens pauvres et supporte parfaitement la présence de sel dans le sol comme dans les embruns.
C 'est ce qu' on appelle une plante halophyte.
Ce palmier fidjien a été introduit dans le vaste Pacifique sud pour la beauté de ses palmes en éventail et ses inflorescences ornementales. Celles-ci ont un attrait particulier pour les abeilles et on devrait bientôt récolter du miel de thurstonii ! Sa reproduction à partir de graines est très facile.
Le genre Pritchardia, du nom du premier consul britannique aux îles Fidji, regroupe une trentaine d'espèces dont 19 endémiques à l' archipel hawaïen.
Quant au nom de l' espèce, thurstonii, il a été choisi en hommage à John Thurston ( 1836-1897 ), ministre des AE des Fidji de 1872 à 1874, PM de l' archipel en 1874 puis gouverneur de 1888 à 1897.
Botaniste amateur et passionné de palmiers, c' est lui qui fit planter les jardins botaniques de Suva, capitale des îles Fidji.